Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/06/2010

Le poème de la semaine

Guillaume Apollinaire


J'ai cueilli ce brin de bruyère

L'automne est morte souviens-t'en

Nous ne nous verrons plus sur terre

Odeur du temps Brin de bruyère

Et souviens-toi que je t'attends

 


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

07:29 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/06/2010

Le poème de la semaine

Henri de Régnier


Un petit roseau m'a suffi

pour faire frémir l'herbe haute

et tout le pré

et les deux saules

et le ruisseau qui chante aussi ;

un petit roseau m'a suffi

à faire chanter la forêt.


Ceux qui passent l'ont entendu

au fond du soir, en leurs pensées

dans le silence et dans le vent,

clair ou perdu,

proche ou lointain...

Ceux qui passent en leurs pensées

en écoutant, au fond d'eux-mêmes

l'entendront encore et l'entendent

toujours qui chante.


Il m'a suffi

de ce petit roseau cueilli

à la fontaine où vint l'Amour

mirer, un jour,

sa face grave

et qui pleurait,

pour faire pleurer ceux qui passent

et trembler l'herbe et frémir l'eau;

et j'ai du souffle d'un roseau

fait chanter toute la forêt.

 


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:07 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/06/2010

Le poème de la semaine

Paul Claudel


Il est une conception dans la joie, je le veux,

il est une vision dans le rire.

Mais ce mélange de béatitude et d'amertume

que comporte l'acte de création,

pour que tu le comprennes, ami,

à cette heure où s'ouvre une sombre saison,

je t'expliquerai la tristesse de l'eau.


Du ciel choit ou de la paupière déborde

une larme identique.


Ne pense point de ta mélancolie accuser la nuée,

ni ce voile de l'averse obscure.

Ferme les yeux, écoute!

La pluie tombe.


Ni la monotonie de bruit assidu

ne suffit à l'explication.


C'est l'ennui d'un deuil

qui porte en lui-même sa cause,

c'est l'embesognement de l'amour,

c'est la peine dans le travail.

Les cieux pleurent sur la terre qu'ils fécodent.

Et ce n'est point surtout l'automne

et la chute future du fruit

dont elles nourrissent la graine

qui tire ces larmes de la nue hivernale.

La douleur est l'été

et dans la fleur de la vie

l'épanouissement de la mort.


Au moment que s'achève cette heure

qui précède Midi,

comme je descends dans ce vallon

qu'emplit la rumeur de fontaines diverses,

je m'arrête ravi par le chagrin.

Que ces eaux sont copieuses!

et si les larmes comme le sang ont en nous

une source perpétuelle,

l'oreille à ce choeur liquide

de voix abondantes ou grêles,

qu'il est rafraîchissant d'y assortir

toutes les nuances de sa peine!


Il n'est passion qui ne puisse

vous emprunter ses larmes, fontaines!

et bien qu'à la mienne

suffise l'éclat de cette goutte unique

qui de très haut dans la vasque

s'abat sur l'image de la lune,

je n'aurai pas en vain pour maints après-midi

appris à connaître ta retraite,

val chagrin.


Me voici dans la plaine.

Au seuil de cette cabane où,

dans l'obscurité intérieure,

luit le cierge allumé

pour quelque fête rustique,

un homme assis tient dans sa main

une cymbale poussiéreuse.

Il pleut immensément,

et j'entends seul,

au milieu de la solitude mouillée,

un cri d'oie.

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:30 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

11/05/2010

Le poème de la semaine

Louis Aragon


Il avait tout à coup cédé

Le long hiver interminable

Et la douleur

Et la douleur dans tout ce printemps adorable

Humide et lourd

Et la douleur qui porte sous ses yeux

Les précoces lilas de mars

La douleur qui marchait sourdement dans la rue

Aurait-t-elle après tout remarqué le printemps

N’était que tant de fleurs escortaient la douleur

Le long l’interminable hiver de la douleur

Qui marchait

Qui marchait sur le bitume bleu


Et c’est alors que j’ai vu pleurer Jeannette


On croyait cependant que dans le fond du verre

Tout le breuvage bu pour amer qu’il parût

N’était pas plus amer que l’épreuve ancienne

Et le sang tant de fois versé des jeunes gens

On croyait cependant après la guerre noire

A tout jamais fait le tour des larmes


Et c’est alors que j’ai vu pleurer Jeannette


Tout en haut du Père-La-Chaise

Où quand ils n’eurent plus derrière eux que ce mur

Chantèrent-ils La Marseillaise

Comme ceux que nos yeux connurent

Où noirs de poudre et de colère

Ils s’arrêtèrent pour mourir les fédérés

Tout en haut du Père-La-Chaise

Il y avait tant de roses rouges

Qu’on perdait mémoire du sang


Et c’est alors que j’ai vu pleurer Jeannette


La tribune de drap grenat

Dans l’absence des feuilles d’arbres

La tribune voyait passer les derniers traînards

Des enfants de vieilles femmes fatiguées

La tribune dans le soleil de cette fin d’après-midi

La tribune dans ce beau jour encore étonné de lui-même

Et la fosse ouverte semblait une aventure contredite

Et c’est alors que je vis pleurer Jeannette


Oh nous avons tant de fois piétiné cette allée

Tant de fois en passant salué cette tombe

Et naturellement levé nos yeux distraits

Vers les maisons voisines

Vers cet immeuble neuf où la vie continue

Au-delà du mur vert de lierre

Qui ressemble à l’oubli plus qu’à la mémoire

Oh tant de fois

Tant de fois nous avons salué

Ceux qui ne sont plus que les mots

D’une chanson mécanique


Et c’est ici pourtant que j’ai vu pleurer Jeannette


Il devait y avoir un deuil plus grand

Un deuil sans aucune mesure

Ni dans ces lieux

Accoutumés aux sombres pensées des passants

Soudain s’est déchiré le cœur

S’est déchirée l’accoutumance

Et le courage et la résolution prise

De regarder quoiqu’il advienne

L’avenir avec ces grands yeux bleus

De l’optimisme et du bonheur

Soudain s’est déchiré quelque chose

Que je sens avec surprise en moi

Comme une lointaine marée


Et c’est alors que je vis pleurer Jeannette


Toute la famille noire était là qui barrait le chemin

Descendant dans un extraordinaire silence

Qui barrait le chemin du monde machinal

Une famille noire et calme et raisonnable

Et qui savait si bien épargner les sanglots

Et rendait sagement la poignée de main

Sans gémir

La poignée de main que l’on donne

A défaut de dire les mots nuls

A la famille noire


Et c’est alors que j’ai vu


Et c’est alors que j’ai vu

amily: 'Trebuchet MS'; font-size: small;">Dans le printemps funèbre et tendre

Et la lumière pâle et fraîchement ouverte

Cette terre et les fleurs

Et les fleurs qui couvraient tout autour

Tant de tombeaux abandonnés

Avec la seule gloire et le nom des héros

D’or gravé dans la pierre

Et les fleurs dépassant le territoire assigné

A la mémoire d’un seul mort

C’est alors que j’ai vu

Que j’ai vu


Et c’est alors que je vis pleurer Jeannette


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

23:59 Écrit par Claude Amstutz dans Louis Aragon, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

05/05/2010

Le poème de la semaine

Jean-Michel Maulpoix


Compose avec ce bleu.


Cette histoire t'appartient.

Tu ne pourras jamais te défaire de tout le vague

qui s'accumule en toi:

tu t'y emploieras, c'est assez.

Dresse-toi sur tes faiblesses

autant que sur tes forces:

ne résiste pas à celui que tu es.


Sache reconnaître combien le ciel est pauvre

tandis que la terre mélange la misère à la beauté.

Dans les yeux de tes semblables,

l'infini n'est jamais monotone.

Tes limites sont certaines:

fais en sorte qu'elles soient vraiment tiennes.

Ne fais pas de l'oubli un mauvais usage.

Garde en réserve de l'espérance

pour les heures de disette:

il te faudra quelque jour rendre des comptes.


Ne rechigne pas à la dépense.


Quand tu ne lui arracherais que des loques,

il te faut écrire

comme si tu devais liquider la mer.

Les mots sont tout ce qu'il te reste:

lance-toi à l'assaut de ce bleu.

Tu dois courir encore derrière la mer.

Il t'appartient d'en modifier la teinte,

comme de recolorer de temps en temps le ciel,

et de rhabiller ses fantômes

avec des vêtements neufs.

Pour se perpétuer,

l'invisible a besoin de figures.

L'infini est avide de formes.

Il ne prend corps que sur ses bords

où se conjoignent le large et le rivage,

là où se noie de ton poème

le beau regard exact et bleu:

la mer

est le grand encrier indestructible.


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/04/2010

Le poème de la semaine

Charles Péguy


Nous ne demandons pas que le grain sous la meule

Soit jamais replacé dans le coeur de l'épi,

Nous ne demandons pas que l'âme errante et seule

Soit jamais reposée en un jardin fleuri.


Nous ne demandons pas que la grappe écrasée

Soit jamais replacée au fronton de la treille,

Et que le lourd frelon et que la jeune abeille

Y reviennent jamais se gorger de rosée.


Nous ne demandons pas que la rose vermeille

Soit jamais replacée aux cerceaux du rosier,

Et que le paneton et la lourde corbeille

Retourne vers le fleuve et redevienne osier.


Nous ne demandons pas que cette page écrite

Soit jamais effacée au livre de mémoire,

Et que le lourd soupçon et que la jeune histoire

Vienne remémorer cette peine prescrite.


Nous ne demandons pas que la tige ployée

Soit jamais redressée au livre de nature,

Et que le lourd bourgeon et la jeune nervure

Perce jamais l'écorce et soit redéployée.


Nous ne demandons pas que le rameau broyé

Reverdisse jamais au livre de la grâce,

Et que le lourd surgeon et que la jeune race

Rejaillisse jamais de l'arbre fourvoyé.


Nous ne demandons pas que la banche effeuillée

Se tourne jamais plus vers un jeune printemps,

Et que la lourde sève et que le jeune temps

Sauve une cime au moins dans la forêt noyée.


Nous ne demandons pas que le pli de la nappe

Soit effacé devant que revienne le maître,

Et que votre servante et qu'un malheureux être

Soient libérés jamais de cette lourde chape.


Nous ne demandons pas que cette auguste table

Soit jamais resserve, à moins que pour un Dieu,

Mais nous n'espérons pas que le grand connétable

Chauffe deux fois ses mains vers un si maigre feu.


Nous ne demandons pas qu'une âme fourvoyée

Soit jamais replacée au chemin du bonheur,

O reine il nous suffit d'avoir gardé l'honneur

Et nous ne voulons pas qu'une aide apitoyée


Nous remette jamais au chemin de plaisance,

Et nous ne voulons pas qu'une amour soudoyée

Nous remette jamais au chemin d'allégeance,

O seul gouvernement 'une âme guerroyée,


Régente de la mer et de l'illustre port

Nous ne demandons rien dans ces amendements

Reine que de garder sous vos commandements

Une fidélité plus forte que la mort.


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

06:18 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

21/04/2010

Le poème de la semaine

Maurice Chappaz


Je voudrais que les baisers

remplacent les chants d'oiseaux.

Qu'ils pépient dès l'aube

sur tes joues, tes paupières.

Je voudrais que la nuit

remplace le jour,

que la prière

remplace le travail,

que le silence

remplace les paroles.

Je voudrais que l'éternité

remplace cette vie

ne serait-ce qu'un instant.

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:09 Écrit par Claude Amstutz dans Maurice Chappaz, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/04/2010

Le poème de la semaine

Francis Jammes


J'aime l'âne si doux

marchant le long des houx.


Il prend garde aux abeilles

et bouge ses oreilles;


et il porte les pauvres

et des sacs remplis d'orge.


Il va, près des fossés,

d'un petit pas cassé.


Mon amie le croit bête

parce qu'il est poète.


Il réfléchit toujours.

Ses yeux sont en velours.


Jeune fille au doux coeur,

tu n'as pas sa douceur:


car il est devant Dieu

l'âne doux du ciel bleu.


Et il reste à l'étable,

fatigué, misérable,


ayant bien fatigué

ses pauvres petits pieds.


Il a fait son devoir

du matin jusqu'au soir.


Qu'as-tu fait jeune fille?

Tu as tiré l'aiguille...


Mais l'âne s'est blessé:

la mouche l'a piqué.


Il a tant travaillé

que ça vous fait pitié.


Qu'as-tu mangé petite?

- T'as mangé des cerises.


L'âne n'a pas eu d'orge,

car le maître est trop pauvre.


Il a sucé la corde,

puis a dormi dans l'ombre...


La corde de ton coeur

n'a pas cette douceur.


Il est l'âne si doux

marchant le long des houx.


J'ai le coeur ulcéré:

Ce mot-là te plairait.


Dis-moi donc, machérie,

si je pleure ou je ris?


Va trouver le vieil âne,

et dis-lui que mon âme


est sur les grands chemins,

comme lui le matin.


Demande-lui, chérie,

si je pleure ou je ris?


Je doute qu'il réponde:

Il marchera dans l'ombre,


crevé par la douceur,

sur le chemin en fleurs.

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

 

 


 

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/04/2010

Le poème de la semaine

Philippe Jaccottet


Rose, soudain comme une rose

apparue à la saison froide.


Il n'y a pas de neige,

mais beaucoup d'eau vaillante dans les roches

et des violettes en plein sentier.


De l'eau verte à cause de l'herbe.


Rose, portière de l'année.


Comme la rose furtive à la joue,

la neige qui s'efface avant de toucher le sol,

bienfaisante.


Cette combe verte, sans fleurs et sans oiseaux,

suspendue,

cette espèce de terrasse verte,

au-dessus de laquelle passent les nuages rapides

surgis comme des troupeaux

du gouffre invisible et froid creusé derrière,

ces pâturages où il n'y a plus de bétail depuis longtemps.


Dans la lumière brillante

qui, à contre-jour, s'embrume,

cette sorte d'hamac d'herbe,

l'air vif dans les hauteurs et doux près du sol,

la bergerie d'ivoire usé comme une lampe

restée allumée en plein jour,

comme la lune, justement,

que l'on devine, le sein laiteux.


Allez encore vers ces lacs de montagne,

qui sont comme des prés changés en émeraudes.

Peut-être n'y boira-t-on plus,

peut-être est-ce pour cela qu'on les voit maintenant.

Il y a des émeraudes dans la montagne

comme on y croise des bêtes fuyantes.

Et le printemps est poussière lumineuse.


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:39 Écrit par Claude Amstutz dans Philippe Jaccottet, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

30/03/2010

le poème de la semaine

Francis Carco


Je me souviens de la bohème,

De mes amours de ce temps-là!

O mes amours, j'ai trop de peine

Quand refleurissent les lilas...

Qu'est-ce que c'est que cette antienne?

Qu'est-ce que c'est que cet air-là?

O mes amours, j'ai trop de peine...


Le temps n'est plus de la bohème.

Au diable soient tous les lilas!

Il pleut dans le petit jour blême.

Il pleut, nous n'irons plus au bois.

Toutes les amours sont les mêmes,

Les morts ne ressuscitent pas.

Un vieil orgue, comme autrefois,

Moud, essouflé "La Marjolaine".

O mes amours de ce temps-là,

Jamais les mortes ne reviennent.

Elles dorment sous les lilas

Où les oiseaux chantent ma peine,

Sous les lilas qu'on a mis là...

Les jours s'en vont et les semaines:

O mes amours, priez pour moi...


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:25 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |